Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement ;

Mesdames et Messieurs les responsables du Patronat ;

Mesdames et Messieurs les responsables des Syndicats des Travailleurs du Public et du Privé ;

Mesdames et Messieurs, distingués invités ;

Mes chers Compatriotes,

 

Je vous remercie d’avoir répondu à mon invitation de ce jour.

La Nation gabonaise a pour caractéristique essentielle le dialogue spontané et permanent.

Cette exigence de dialogue a traversé l’ensemble de nos cultures, de notre espace et de notre histoire pour faire désormais partie de nos traditions.

Nous y adhérons tous, et sommes enthousiastes d’y recourir, notamment en ces circonstances marquées par des demandes sociales, et la ferme volonté de l’Etat, d’y répondre avec une efficacité que seul permet le dialogue, dans un esprit républicain, patriotique et responsable.

S’ajoutent à cette valeur ancestrale de référence, les dispositions pertinentes de notre Constitution dont je suis le garant. Je veux ici particulièrement souligner la liberté de conscience, la liberté de pensée, la liberté d’opinion et d’expression.

De même, les dispositions de l’article 1er de notre Constitution consacrent le droit de former des associations, des partis ou formations politiques, des syndicats, des sociétés, des établissements d’intérêt social ainsi que des communautés religieuses, uniquement dans les conditions fixées par la Loi.

La rencontre que j’ai voulue aujourd’hui s’inscrit de fait dans le prolongement et le respect à la fois de nos valeurs traditionnelles et constitutionnelles mais aussi des leçons tirées de vos échanges récents avec les membres du gouvernement et par la suite avec le Premier Ministre, Chef du gouvernement, à qui j’ai demandé d’initier le dialogue avec vous.

Un dialogue que je veux franc, constructif et sincère, dépourvu d’arrière-pensées entre partenaires ayant en partage le sens élevé de la Nation.

Il ne s’agit donc pas, comme pourraient l’imaginer certains esprits mal intentionnés, d’un exercice imposé par je ne sais quelles circonstances politiciennes ou conjoncturelles, mais bien de mon engagement à échanger, en temps voulus, avec les forces vives de la Nation, dont vous êtes ici une partie de la représentation.

 

Mes chers compatriotes

Dès le début de mon mandat, et conscient des difficultés auxquelles mes compatriotes étaient confrontés, j’ai pris un certain nombre de mesures visant à améliorer leur pouvoir d’achat et leurs conditions de vie.

Il s’agit notamment,

- de l’instauration du revenu minimum mensuel dans la Fonction publique, portant le plus bas des revenus à 150.000 francs par mois ;

- du relèvement du montant des allocations de rentrée scolaire, de 25.000 à 62.500 francs par enfant ;

- de la revalorisation des indemnités de logement et de transport, respectivement passées de 75.000 à 150.000 francs, et de 17.000 à 35.000 francs par mois ;

- du maintien des subventions aux produits de première nécessité;

- de l’extension de l’assurance maladie à toutes les couches sociales, et particulièrement celles les plus vulnérables ;

- le paiement, entre 2010 et 2013, de plus de 170 milliards de francs cfa au titre des rappels de solde, pour un effectif global de moins de 70.000 agents de l’Etat.

Ces décisions, je les ai librement prises, sans la moindre pression, dans le seul but, je le répète, d’améliorer les conditions de vie de nos compatriotes.

Il en est de même des décisions que j’ai préconisées et entérinées lors des dernières assises sociales.

Il s’agit à titre de rappel et d’illustration, de l’allocation d’une enveloppe globale de 250 milliards de francs CFA prélevée au budget de l’Etat, pour le financement des filets de protection économique et sociale.

Il n’est point besoin de rappeler, ici, que sur mes instructions, la CNAMGS prend désormais en charge un certain nombre de pathologies lourdes et particulièrement coûteuses, telles que les cancers et l’insuffisance rénale, qui obéraient et compromettaient gravement le pouvoir d’achat des familles.

Cet effort avéré de partage ne peut cependant se poursuivre, s’améliorer, ni s’intensifier, si l’on ne produit davantage de richesses ; et, vous l’aurez compris, si on ne travaille pas davantage et avec plus de performance.

C’est tout le sens des réformes que j’ai engagées afin de modifier en profondeur la structure même de notre économie et la rendre plus compétitive.

 

Mesdames et Messieurs, mes chers Compatriotes,

J’entends cependant les attentes et les revendications des uns et des autres.

J’y perçois les aspirations du patronat, les insatisfactions des travailleurs des secteurs public et privé.

Pour l’essentiel, et conformément au compte-rendu que m’en a fait le Premier Ministre, outre les revendications salariales, il s’agit de la modernisation de notre cadre législatif et réglementaire en matière d’organisation du travail, de l’emploi et de la sécurité sociale.

Pour ce qui est du secteur public, je voudrais rappeler que je suis loin de ceux qui pensent que les agents de l’Etat sont un fardeau pour la Nation, et encore plus loin de ceux qui voudraient les jeter en pâture, les désignant comme un frein au développement économique et social de notre pays.

Bien au contraire, je reste persuadé que l’administration publique est un véritable atout pour notre développement, car il n’y a pas d’Etat fort et prospère sans une administration publique forte et impliquée, sans agents du service public bien formés, performants et conscients de la responsabilité de la tâche qui leur est confiée.

Cela appelle donc de la part de l’Agent du service public plus d’humilité, plus de disponibilité, plus de serviabilité et plus d’ardeur au travail ; toutes choses qui conditionnent l’établissement d’une administration véritablement républicaine et performante, au service de nos concitoyens.

En effet, je voudrais rappeler que l’Administration se doit d’observer une neutralité absolue dans son fonctionnement. Et pour le dire plus simplement, l’Administration n’a ni père, ni mère, ni frère, ni sœur, ni ethnie, ni religion, ni parti politique.

Mais, l’administration a un Chef, et elle est au seul service de la Nation.

C’est ici le lieu de rappeler également qu’il ne saurait y avoir, au Gabon, un secteur d’activité plus important que d’autres.

Tous les secteurs sont importants, car tous se valent dans leur contribution au bien-être de nos compatriotes et à la richesse nationale.

Il n’y a pas non plus une administration plus importante que toutes les autres. Chacune a un rôle à jouer.

Chacune, complémentaire des autres, est un maillon de la chaîne administrative au service des usagers.

C’est cette Administration publique républicaine que nous voulons qui nous permettra de lutter efficacement contre la pauvreté, l’exclusion et les inégalités.

Or, il nous revient avec insistance, que nos populations perçoivent de plus en plus le Service Public comme un frein à la performance, à l’efficience et à l’efficacité de l’action.

Ce Service public se caractérise aux yeux de l’opinion comme l’apanage de l’absentéisme, des horaires incertains, du service inégal ou approximatif, du non-respect de la hiérarchie, de l’incivisme voire de l’arrogance, de la corruption, de l’incompétence, et j’en passe.

Cette litanie de maux a pour conséquence directe de dévaloriser autant l’Agent que le travail qui y est réalisé.

Il nous faut donc impérativement changer cette image.

Et que personne ne s’y trompe, ce n’est qu’ensemble que nous y parviendrons. Améliorer les conditions de travail est de la responsabilité du Gouvernement, tandis que rendre un service public de qualité est de la responsabilité de l’Agent.

A cet effet, la satisfaction des besoins des usagers doit demeurer votre objectif premier, votre raison d’être, mais aussi le véritable thermomètre de vos revendications.

En effet, comment comprendre la légitimité d’une revendication, lorsque, dans le même temps, l’usager n’est pas satisfait du service public ?

La mauvaise qualité du service public contraint nos concitoyens à recourir en permanence à d’autres solutions.

La valeur de ces services, souvent payés au secteur privé, du fait des insuffisances du service public, obère considérablement les revenus des ménages et accroît leur précarité.

Je vais vous dire franchement les choses :

Je n’accepte pas que l’on ferme des hôpitaux, qu’on laisse mourir nos compatriotes au motif que l’on n’a pas touché sa prime ou que celle-ci n’a pas été augmentée !

Je n’accepte pas non plus que, pour les mêmes motifs, l’on ferme une école par des grèves intempestives et illégales.

Le premier devoir de l’Administration est d’appliquer les lois et règlements de notre pays. Elle ne saurait donc les fouler et agir dans l’illégalité.

Mesdames et Messieurs, nos malades, nos enfants, ne sauraient continuer à être ainsi pris en otage.

Je rappelle que le contrat qui lie l’agent public à l’Etat réside dans la satisfaction pleine et entière des usagers.

C’est pourquoi, les évolutions de ce contrat, voulues ou revendiquées, doivent être négociées dans un esprit serein et constructif, entre l’Etat et des partenaires sociaux représentatifs. Elles doivent de même tenir compte de nos ressources, de nos engagements et de nos autres contraintes budgétaires.

 

Monsieur le Premier Ministre,

Les discussions que vous allez donc poursuivre avec les partenaires sociaux du secteur public doivent aboutir, entre autres, à la mise en place d’un nouveau système de rémunération.

A ce sujet, j‘observe avec grand étonnement que la Prime d’incitation à la performance soit aujourd’hui un sujet de discorde. En décidant de réformer les fonds communs qui ne bénéficiaient qu’à 8% environ des agents publics, j’ai voulu, que par des mécanismes d’incitation à une meilleure performance de notre administration, qu’elle permette d'accroître les revenus des travailleurs les plus méritants.

La question de la prime pose celle du mérite, qui dans ma conception, doit être reconnue et mieux rémunérée. Cela passe donc nécessairement par un système d’évaluation clair, objectif et accepté par tous.

Vous devrez par conséquent inscrire cette question dans votre agenda de discussion.

Je n’ai aucun tabou. Vous ne devrez par conséquent tout mettre sur la table, y compris la question d’un nouveau système de rémunération.

Celui-ci doit permettre, entre autres, d’aboutir autant que faire se peut à :

- l’amélioration du niveau de salaires des agents publics ;

- l’harmonisation des primes, des gratifications et des avantages en nature ;

- l’incitation des agents publics à de meilleures performances ;

- l’amélioration des pensions de retraite.

Sur ce dernier point, je ne voudrais plus que l’admission à la retraite soit perçue par nos compatriotes comme une déchéance sociale, voire malheureusement comme une fin de vie.

En effet, il ne se passe pas un jour sans que je ne reçoive des demandes de maintien en activité, dans le seul but de continuer à percevoir un salaire, quand bien même la raison et l’âge militeraient pour que les intéressés bénéficient d’un repos bien mérité.

Par ailleurs, pourrait se poser également la question de l’âge et des modalités d’admission à la retraite.

Quoi qu’il en soit, un bon système de pensions repose à la base sur un bon niveau de rémunérations.

 

Mesdames et Messieurs,

Je rappelle que le fil conducteur des discussions commande qu’à chaque droit corresponde un devoir.

 

Mes Chers compatriotes,

La question du partage de notre richesse nationale tout comme celle de l’amélioration de nos conditions de vie sont tributaires de notre capacité à produire plus de richesses.

Cette volonté d'accroître nos richesses appelle à l’émergence d’un secteur privé dynamique, compétitif et innovant, qui doit bénéficier de l’accompagnement permanent et multiforme des pouvoirs publics. L’amélioration du cadre des affaires et l’accroissement de l’attractivité de notre pays participent de cette même volonté.

Il s’agit donc de créer tous ensemble les conditions favorables et pérennes pour un développement économique et social fort et durable.

Ces objectifs commandent que le Code du travail et les Conventions collectives soient revisités.

Les réformes attendues doivent permettre :

- de garantir un dialogue social de qualité avec des organisations syndicales patronales et des travailleurs représentatives ;

- de garantir la viabilité et la compétitivité de nos entreprises;

- de garantir la flexibilité et la mobilité dans les relations contractuelles tout en s’assurant de ne pas exposer les travailleurs à la précarité;

- de sécuriser les parcours professionnels par la formation continue et la valorisation des compétences acquises ;

- d’améliorer les conditions d’hygiène, de santé et de sécurité au travail;

- de garantir l’emploi des nationaux en veillant à ce que les entreprises ne recourent pas de manière abusive à la main d’œuvre expatriée.

Par ailleurs, et j’en appelle tout particulièrement à la responsabilité du Patronat, l’apprentissage en entreprise, les contrats d’insertion professionnelle doivent permettre d’améliorer l’employabilité dans notre pays, et tout particulièrement celle des jeunes.

De même, j’invite le Patronat, comme je l’ai déjà dit, à s’impliquer aux côtés du Gouvernement pour la définition des politiques publiques en matière de formation professionnelle.

C’est de cette manière qu’ensemble nous parviendrons à adapter l’offre de formation à la demande des entreprises.

J’attends également que les entreprises réinvestissent une partie de leurs bénéfices afin de renforcer leur compétitivité, et partant, d’assurer la pérennité de leurs activités.

Les entreprises devraient de même s’investir dans les secteurs à forte demande, telles que la santé, l’éducation, la formation et la culture.

Il appartiendra, au Gouvernement, de prendre les dispositions législatives et réglementaires pour inciter au mécénat.

 

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs,

les Membres du Gouvernement,

Mesdames et Messieurs les responsables des organisations syndicales et patronales,

Mesdames et Messieurs,

Mes chers compatriotes,

 

Le droit de former des syndicats est garanti par la constitution. Cependant, l’exercice de ce droit est encadré par un dispositif juridique et réglementaire qui indique entre autres, la procédure conduisant à la grève, tout en prescrivant le respect du principe de la liberté du travail, notamment pour les non-grévistes, et la mise en place obligatoire d’un service minimum.

Notre arsenal juridique dans ce domaine prévoit la coupure de la rémunération pour les jours non travaillés, à l’exception des prestations familiales et de l’aide au logement. Par ailleurs, et je le dis avec force, le droit de grève ne doit pas, dans son exercice, provoquer une interruption totale du service public, ou mettre en danger la vie, la santé, ou la sécurité de tout ou partie de la population.

Aux uns et aux autres, je réaffirme que L’Etat ne saurait négocier avec le couteau sous la gorge.

A ce titre, la « Rue » ne saurait être le lieu d’expression et de résolution de nos problèmes sociaux.

De même, il est une vérité d’évidence : ceux qui ne se parlent pas ne peuvent s’accorder sur les voies et moyens de résoudre, pacifiquement, intelligemment et surtout durablement les problèmes auxquels ils sont confrontés.

C’est pourquoi, Monsieur le Premier Ministre, je vous demande de réunir sous votre autorité, dès demain, mardi 18 novembre 2014, l’ensemble des parties pour mettre en place un cadre de concertation en vue de l’ouverture immédiate des négociations collectives globales, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

Ce cadre doit prévoir les mécanismes pour me rendre régulièrement compte de l’avancée de vos travaux.

 

Monsieur le Premier Ministre,

Je voudrais, au moment de clore mon propos, attirer votre attention sur trois situations qui me tiennent particulièrement à cœur.

La première concerne la catégorie de nos compatriotes, appelés abusivement « Main d’œuvre Non Permanente ».

Ce personnel employé par l’Etat, ne doit plus être considéré comme telle. Et pour cause, la plupart d’entre eux travaille sous cette appellation toute leur vie. Je demande donc que soit créé un cadre de gestion adéquat.

Il ne s’agit pas, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement, d’un simple changement d’appellation, mais bien de la mise en place d’un véritable cadre de gestion pour ce personnel, mais aussi, pour les autres agents auxiliaires de l’Administration.

Je pense ici aux Chefs de quartiers, aux Chefs de cantons, de regroupements et de villages et aux Secrétaires cantonaux.

Monsieur le Premier Ministre, c’est de cette manière que nous leur permettrons d’accéder à un mieux-être social et à la dignité.

Ma deuxième préoccupation est relative la situation des agents de l’Etat, régulièrement rémunérés par l’Administration, qui restent oisifs chez eux, faute d’affection ou de poste de travail.

Notre administration a besoin de leur expérience professionnelle et de leur force de travail.

Je vous demande en conséquence de tout mettre en œuvre pour mettre fin à cette situation. Il faut que chacun d’eux bénéficie d’un poste de travail ou d’une affectation dans les délais les plus courts.

Enfin, je voudrais parler des conséquences néfastes et dommageables liées aux errements et aux atermoiements de l’Administration sur nos concitoyens, en un mot de cette responsabilité qui est la leur dans la satisfaction des usagers du service public, comme je le rappelais tout à l’heure.

Je veux évoquer ici la situation née d’une application sélective de la mesure portant interdiction d’importer des véhicules de plus de trois ans.

C’est pourquoi, Monsieur le Premier Ministre, pour préserver l’équité, je vous engage à me proposer très rapidement les mesures les mieux adaptées.

Pour conclure, je vous invite donc à vous retrouver pour établir ce dialogue social franc, sincère et constructif pour l’avenir de notre pays.

Ces négociations que vous allez mener avec l’ensemble des partenaires sociaux, doivent permettre de créer les conditions favorables à ce que notre pays, le Gabon, gagne sa place dans un monde où la compétition est de plus en plus rude.

Car comme vous le savez, seuls les meilleurs pourront faire face aux défis de ce 21ème siècle, siècle d’ouverture et de concurrence.

Que Dieu bénisse le Gabon,

Je vous remercie.

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