Allocution du Président Ali Bongo Ondimba lors du Sommet de l’Elysée sur la Paix et la Sécurité en Afrique
06 déc. 2013Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Président en exercice de l'Union africaine,
Monsieur le Secrétaire Général de l’ONU,
Distingués participants,
Je remercie le Président François Hollande pour avoir bien voulu nous convier à ce Sommet dont le thème se trouve être au centre même de nos préoccupations fondamentales.
En effet, plus que par le passé, l'Afrique est aujourd'hui à la croisée de deux tendances contradictoires.
D'une part, à notre grande satisfaction, ses performances économiques sont impressionnantes et reconnues, et elles suscitent de plus en plus l'engouement de nos partenaires, dont la France.
D'autre part, à notre grand désarroi, le Continent est gagné par l'insécurité. Longtemps minée par des tensions, des crises et des conflits armés, l'Afrique voit aujourd’hui s’ajouter de nouvelles menaces, susceptibles d'impacter ses performances économiques.
La région du Sahel est déstabilisée par le crime transnational organisé et le terrorisme. La Corne de l'Afrique est déchirée par de nombreuses crises aux dimensions multiples et complexes.
L'Afrique Centrale vit plus que jamais dans l'inquiétude d'une probable implosion de la République Centrafricaine, pays que la CEEAC et la CEMAC soutiennent depuis vingt ans.
La région des Grands Lacs est fréquemment secouée par des crises à répétition dont les mutations sont aussi fulgurantes qu'imprévisibles. Le Golfe d'Aden et le Golfe de Guinée nourrissent la piraterie maritime.
Il en résulte, aux yeux de nos partenaires, une perception négative de notre Continent qu'il nous faut corriger. En effet, face à ses multiples défis sécuritaires, l'Afrique doit assumer sa pleine responsabilité et formuler une réponse africaine.
Celle-ci doit, en premier ressort, s'affirmer au niveau national. Pour ce faire, chaque Etat africain doit à mon sens, renforcer ses capacités de défense et de sécurité.
Un tel objectif ne peut être atteint que si nous convenons d’affecter au moins 10% de nos budgets aux dépenses de sécurité et de défense. A l’évidence, notre ambition ici n’est nullement de nous militariser.
En procédant ainsi, nous cherchons plutôt à doter nos forces de défense et de sécurité de moyens robustes pour faire face à des bandes de hors-la-loi dont la puissance de feu, en termes d’équipements et de matériels, dépasse parfois celle de nos armées nationales.
Notre souci est d’oeuvrer davantage à la mise en place de forces spéciales promptes à relever tout défi sécuritaire.
En effet, nos armées doivent être suffisamment formées et entraînées pour pouvoir intervenir efficacement. Elles doivent être à même de se déployer avec rapidité sur les théâtres d’opérations. Elles doivent par ailleurs s’appuyer sur des systèmes d’informations et de renseignements performants.
Chers Collègues,
Distingués participants,
D'abord nationale, la réponse africaine est ensuite sous-régionale et enfin régionale. A ces deux niveaux, des mécanismes de paix et sécurité existent déjà. Il nous revient de les rendre opérationnels.
Pour le cas de la CEEAC, la FOMAC a déjà apporté la preuve de sa capacité à agir sur le terrain de par sa présence active et effective en Centrafrique. Il est cependant indispensable que sa capacité de réaction ainsi que sa vitalité soient renforcées.
Comme vous le savez, l'Union Africaine s'emploie au niveau continental, à mettre sur pied une véritable architecture de paix et de sécurité dont l'élément central est la « Force Africaine en Attente ». Nous devons redoubler d'ardeur pour la rendre opérationnelle.
Les efforts que nous déployons à cet effet, doivent nécessairement s’appuyer sur l’apport des partenariats à bâtir avec des organisations de sécurité collective existantes. Dans ce sens, par exemple, l’Union Africaine gagnerait à développer une coopération active avec l’OTAN. En effet, il est temps pour l’Union Africaine et l’OTAN d’échanger des représentants au sein de leurs structures respectives.
Rendue opérationnelle, la "Force Africaine en Attente" devra pouvoir assumer des mandats d’imposition de la paix et non plus seulement de maintien de la paix.
En effet, l’expérience onusienne nous démontre avec force que la doctrine des OMP a montré ses limites. Certes, il serait inconvenant de ne pas rendre hommage aux pays pourvoyeurs de troupes pour les efforts et les sacrifices consentis en contribuant à ces OMP. Nous devons cependant admettre que dans plusieurs cas, de nombreuses missions onusiennes ont perduré sans pour autant obtenir des résultats probants.
Il est certes vrai que, par les combats qu’elle implique, une mission d’imposition de la paix présente des risques plus élevés de perte en vies humaines. Nous devons toutefois reconnaître que le langage de la paix, ne saurait prospérer face à des organisations criminelles dont la violence et la guerre restent la seule logique.
En de telles circonstances, les missions dotées de mandats robustes s’avèrent non seulement plus dissuasives mais surtout plus efficaces.
Chers collègues,
Distingués participants,
Il apparaît donc que la réponse africaine, si nécessaire pour asseoir notre responsabilité, présente encore quelques faiblesses.
En effet, excepté quelques pays, nos capacités nationales de défense restent fragiles. Par ailleurs, les capacités de réaction rapide de nos mécanismes régionaux sont en-deçà des exigences. Leur adaptabilité aux défis que représentent les nouvelles menaces est par ailleurs, très loin d'être optimale.
Nous convenons tous que c'est à l'Afrique d'assurer sa propre sécurité. Toutefois, il est clair que pour y parvenir, notre Continent doit rechercher l'appui de la Communauté internationale à travers des partenariats solides.
La France a bien évidemment son rôle à jouer dans ces partenariats.
Le rôle de la France part de l'intervention, quand il y a nécessité, à l'assistance logistique et à la formation de nos forces de défense et de sécurité.
La France n'est pas appelée à agir seule, mais à nos côtés et selon nos aspirations. La France est déjà intervenue au Mali, dans la région du Sahel, aux côtés des armées africaines. Les circonstances présentes en RCA aujourd’hui, justifient amplement une intervention de la France aux côtés de la MISCA.
C’est pourquoi je salue l’adoption, le 5 décembre 2013, par le Conseil de Sécurité, de la Résolution 2127 initiée par la France et que le Gabon a parrainée.
Chers Collègues,
Distingués participants,
La France est aussi appelée à agir en mettant son expérience au bénéfice de nos pays, dans le cadre des programmes de renforcement de leurs capacités de défense et de sécurité et d’échange d’informations, elle agit déjà dans ce sens en faveur de certains Etats.
Cette action doit se poursuivre et prendre en compte les préoccupations liées à la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et la piraterie maritime. Il s'agit là, de menaces auxquelles dans certains pays, nos capacités ne sont pas adaptées.
Je crois devoir souligner que notre partenariat avec la France en matière de paix et de sécurité ne pourra être pleinement efficace que s'il s'attaque aussi aux racines de l'insécurité qui sévit sur notre Continent.
Ainsi, notre partenariat gagnerait à voir la France agir plus que par le passé, aux côtés des pays africains dans leur lutte contre la pauvreté, pour rendre plus performantes leurs politiques de développement.
Je vous remercie.
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