Plus de la moitié des femmes gabonaises avouent avoir subi des violences diverses à un moment quelconque de leur existence, que celles-ci consistent en de simples brimades ou beaucoup plus gravement en insultes dégradantes, coups et blessures ou encore harcèlements de type sexuel, voire sévices en tous genres conduisant parfois à la folie ou à la mort.

Q'une seule et unique mère, épouse, adolescente ou fillette ait à vivre la violence d'un époux, père ou petit ami, dans notre pays, est suffisamment révoltant pour que je dénonce cet état de fait et cherche les moyens de l'enrayer.

Quand, plus encore, une femme sur deux admet à demi-mots être violentée dans son propre foyer, parfois sur son lieu de travail ou à l'école, c'est tout simplement inacceptable.

Comment en effet, concilier de telles remises en cause de la dignité humaine avec l’idéal démocratique des Droits de l'Homme qui caractérise notre pays et qui fait notre fierté ?

Il faut bien se rendre à l'évidence : la violence est le lot quotidien de beaucoup de femmes au Gabon. Un repas mal cuit ou un retour tardif au domicile provoque une bastonnade en règle ou parfois les pires scènes de violence ...

Dans ce contexte, quelle image du couple les enfants garderont-ils ? Que deviendra le petit garçon dont le père brutalise la mère, sinon un futur bourreau ? Comment la fillette, devant le supplice quotidien de sa mère, pourra-t-elle se construire une image d'elle digne et valorisante ? Comment construire sa citoyenneté ?

A la violence conjugale au Gabon se joint un autre fléau, tout aussi destructeur, mais plus dangereux encore, car insidieux, innommable, très souvent tapis dans l'ombre : l'abus sexuel. Il est présent sous toutes ses formes, à la maison, à l'école, à l'université, au bureau ; il fait des ravages, de manière invisible mais profonde, puisque la victime, tributaire du tabou qui l'accompagne, n'ose demander réparation.

Qui l'entendrait, à part quelques écrivains audacieux comme Jean Divassa, Sylvain Nzamba ou Justine Mintsa qui ont osé dénoncer dans leurs oeuvres l'inceste, la maltraitance, que subissent nos petites filles ou nos collégiennes soumises à ce que, avec une cruelle dérision, elles qualifient de MST ... « Moyennes sexuellement transmissibles » ?

Pourtant, selon les données publiées par l’enquête démographique et de santé publique en juillet 2013 et qui m'ont profondément interpellée, plus d'une femme gabonaise sur cinq subit des violences d'ordre sexuel à un moment quelconque de sa vie. Une femme sur cinq ayant subit des violences sexuelles vit ce drame avant l'âge de 14 ans. Une femme sur 10 avant l'âge de 10 ans.

En tant que femme, mère et soeur de toutes les Gabonaises, en tant Première Dame de notre Nation, je ne puis rester insensible à tant de souffrances, et de non-dits. Bien plus, il est de mon devoir de traquer sans relâche toutes les injustices que subissent les femmes gabonaises, trop souvent maltraitées, violées, humiliées, tourmentées, dépouillées.

Certes, la cause que je me suis assignée est ambitieuse et jalonnée d'obstacles : les coutumes ancestrales d'abord, qui trop souvent relèguent la femme à un rôle de subalterne, la cantonne à demeurer la « propriété », la « chose » de son époux et collatéraux qui en « jouissent selon leur bon vouloir ».

Combien de femmes chez nous, furent, il n'y a pas longtemps de cela, obligées d'épouser le frère de leur mari défunt sans éprouver le moindre sentiment à son égard ? Combien sont, aujourd'hui, spoliées de leurs richesses durement acquises au prétexte fallacieux « qu'une femme n'hérite pas des biens de son époux » quand bien même cette dernière l'aurait honorée d'une belle descendance et se serait battue à ses côtés pour la prospérité de la famille ?

Les femmes elles-mêmes sont parfois les instruments de leur propre aliénation. Les plus pauvres d'entre elles, les moins éduquées, les moins aptes au final à porter un regard objectif sur leur rôle au sein de la famille et la société, restent malheureusement les plus touchées. Mais qui pourrait le leur reprocher ? Comment le leur reprocher ?

Elles sont le plus souvent dans l'incapacité physique et morale de réagir. Il revient à l'Etat de les soutenir. Il revient à la Nation de ne pas les oublier, de ne pas fermer les yeux sur cette triste réalité qui est notre responsabilité à tous.

En effet, les violences faites aux femmes participent de « ces causes oubliées » , tant nos mentalités sont ancrées dans l'idée erronée que celles-ci relèvent de la sphère privée et ne doivent donc pas encombrer la sphère publique préoccupée par des problèmes « plus graves » .

Mais, dites-moi, qu'y a-t-il de plus grave que de maintenir nos filles, nos mamans, nos sœurs, dans un état d’assujettissement, de leur ôter le respect qui leur est dû sous toutes ses formes ? Quel pays serions-nous à garder nos yeux fermés ainsi encore de longues années ? C'est pourquoi il est urgent d'agir.

Il est vital de prendre les mesures adéquates pour protéger toutes les femmes de notre pays, d'oeuver pour leur épanouissement, non pas contre les hommes, mais avec eux, afin qu'ensemble, tous les citoyens de notre beau pays, transforment notre société en un univers où chacun, quelle que soit son origine ou son sexe, soit reconnu et valorisé dans ce qu'il a de meilleur.

En cette Journée Internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, je tiens à le dire haut et fort : les violences sont une réalité massive dans notre pays et les femmes sont très insuffisamment protégées.

Actuellement, aucune loi spécifique n'a été promulguée pour lutter contre ce fléau.

Je formule le vœu en ce jour de mobilisation internationale de voir cet enjeu hissé en grande cause nationale 2014 au Gabon. Car le destin de notre pays dépend du destin de ses femmes et nous ne pourrons construire un Gabon vraiment démocratique, respectueux des droits de chacun si la majorité de la population ploie sous le joug de l'autre.

 

 

Violence à l'égard des femmes: Tribune libre de Sylvia Bongo Ondimba
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